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Le rapport d’activité 2018: ADOPHE

L’année 2018 s’est révélée, pour le Dispositif Adophe, une étape de consolidation du service mais également de traduction dans l’activité des modifications à mettre en œuvre qui nous ont conduit au travail de restructuration toujours à l’œuvre.



Le dispositif a, en effet, dû s’adapter à plusieurs changements impulsés par les orientations du département en matière de Protection de l’Enfance :



-          L’extension du nombre de mesures exercées de 30 à 60 :



Au 31 décembre 2018, le nombre de jeunes accueillis était de 57. On peut donc considérer que l’objectif de 60 mesures a été quasiment atteint.



-          L’’extension de l’âge du public accueilli de 0 à 18 ans :



Les deux tranches d’âge majoritaires restent, au regard de l’activité, les jeunes de quinze ans et de 17 ans. Les demandes, administratives et judiciaires de Placement à Domicile pour des enfants de moins de 11 ans représentent 12 mesures et concernent principalement des fratries. Cette tendance se confirme en fin d’année et devrait se développer encore en 2019.



-          La nouvelle sectorisation consécutive à l’arrivée de 6 nouveaux opérateurs sur le département de Seine Saint Denis :



Notre secteur d’intervention sur le département a effectivement été modifié, nous avons conservé les villes de Pantin, le Pré Saint Gervais, Les Lilas, Romainville, Rosny, Montreuil et Bagnolet. Nous partageons la ville d’Aubervilliers avec l’association Jean Cotxet.

De 11 communes nous sommes effectivement passés à 7, cette modification n’a cependant pas impacté l’activité globale du dispositif. En effet, l’activité, en 2018, s’est maintenue sur le secteur de Pantin et nettement développée sur celui de Montreuil. Cette augmentation des mesures sur ces communes est d’ailleurs confirmée sur la file active des mesures notamment en attente, ce qui devrait contenir les effets de la réorganisation géographique des mesures.

Il est à noter que la nécessité de cohérence dans les parcours éducatifs, d’une part et la montée en charge progressive des autres opérateurs, d’autre part, ont conduit l’ASE et les magistrats à confier les renouvellements de certaines mesures aux associations initiales bien que les communes de résidence des familles ne soient plus sur leurs territoires.



La restauration de la parentalité au cœur des missions du Dispositif Adophé :



Les enjeux actuels de la parentalité sont aujourd’hui plus complexes ; les repères en matière de parentalité ont changé, les enfants et les adolescents, eux non plus, ne sont plus les mêmes, leurs outils de communication nous sont étrangers, les codes qui font société ont changé, grandir et

devenir adulte représente un nouveau défi auquel les services éducatifs doivent s’adapter. Aujourd’hui l’exercice de la parentalité n’apparaît plus comme une évidence. Les mesures d’AEMO

ne suffisent plus à garantir le maintien de l’enfant ou du jeune dans sa famille ; le placement institutionnel n’est plus une réponse efficiente dans la résolution des difficultés familiales. Le dispositif de protection de l’Enfance semble aujourd’hui s’essouffler. La mesure de placement à domicile est fondée sur le constat des limites du dispositif de Protection de l’Enfance. C’est à ce titre une mesure innovante dont l’objectif est la mise en œuvre d’actions de soutien à la parentalité adaptées au public concerné, structurée autour des trois axes de la parentalité :



-          Les responsabilités parentales constituées de l’ensemble des droits et devoirs dont tout adulte devient dépositaire dès lors qu’il a la charge d’un enfant.

-          L’action dans le quotidien des familles visant un travail autour des pratiques parentales qui regroupent l’ensemble des actesdomestiqueset des comportements relationnels et éducatifs que les parents mettent en œuvre pour assurer le développement de l’enfant.

-          La prise en compte du vécu affectif de chacun des membres de la famille. Si la relation parent-enfant fait partie des liens les plus intenses qu’un adulte puisse nouer, elle s’avère souvent ardue à construire. En effet, de nombreux parents entretiennent certaines blessures qui les empêchent d’établir une relation suffisamment bonne et sécure pour leur enfant. La restauration d’un lien satisfaisant qui permette à l’enfant de se développer dans son propre milieu familial nécessite alors un travail d’élaboration accompagné.



Si le besoin de soutien à la parentalité s’impose comme une nécessité à certaines familles, parfois il n’est pas exprimé par celles-ci mais transparaît à bas bruit, devenant le symptôme des dysfonctionnements qu’elles produisent. La « réussite » de l’intervention éducative dépend alors de la capacité des professionnels à mobiliser les capacités et ressources de la famille et la possibilité pour ces familles à travailler avec des « tiers » pour élaborer leur propre vision éducative.

La construction d’un tel accompagnement éducatif, « au plus près des familles » requiert les interventions conjointes de l’ensemble des professionnels qui constituent l’équipe pluridisciplinaire. C’est ce tissage « serré » des compétences présent dans toutes les interventions qui garantit l’intensivité des mesures mises en œuvre. Une fratrie peut ainsi être accompagnée au quotidien successivement par, des éducatrices/eurs, l’animateur socio-culturel, une CSEF ou TISF, la psychologue, la thérapeute familiale ou le psychiatre du dispositif qui effectue également des consultations à domicile.





La modification sociologique de « l’architecture » des familles confirme les mutations en cours et complexifie encore les situations qui nous sont adressées :



Les familles monoparentales :



Nous sommes de plus en plus confrontés aux difficultés qui surviennent à l’adolescence dans ces familles où la dyade mère/fils est mise à mal lors de ce passage épineux qu’est l’adolescence. Les mères se retrouvent en effet en grande difficulté pour maintenir leur autorité et poser des limites à ces adolescents en mal de figures identificatoires masculines. Les pères, majoritairement absents, voire inconnus font douloureusement défaut à ces jeunes qui se réfugient alors auprès de leurs pairs et des aînés de la cité/du quartier, et s’inscrivent le plus souvent dans des dérives délinquantes complexes et difficiles à endiguer. C’est vraisemblablement cette « bascule » qui explique, pour partie, le fait qu’une majorité d’adolescents pris en charge par notre dispositif, font aussi l’objet de suivis au pénal, exercés par la PJJ.



La désintégration du couple parental ; la violence des conflits de loyauté :



De nombreuses familles auprès desquelles nous intervenons sont prises au piège de conflits conjugaux inextricables et récurrents qui réduisent la place des enfants à des territoires qu’il faut conquérir ou annexer, des « trésors de guerre » dont il faut s’emparer à tout prix. Ces conflits réduisent à néant la cohérence du couple parental et sont source de souffrance et d’encombrement psychique pour les enfants qui en sont les enjeux et qui, par loyauté se retrouvent réduits au silence, entravés dans leur développement. Comment un enfant ou un jeune qui est pris en étau entre ses deux parents, l’amour qu’il leur porte et la loyauté qu’il pense leur devoir, peut-il se garantir l’espace nécessaire aux apprentissages scolaires ? La déscolarisation apparaît alors comme un des dommages collatéraux du dysfonctionnement du couple, conjugal et parental. Ce constat nous a amené à être très vigilants concernant les enfants et les jeunes qui décrochent scolairement, ces « troubles de la scolarité » n’étant le plus souvent que le symptôme d’une souffrance qui s’est construite ailleurs.





L’émergence de nouvelles problématiques :



Les risques prostitutionnels chez les mineures fugueuses :

L’adolescence est une période de bouleversements physiques et psychiques. La nécessaire métamorphose du passage de l’enfance à l’âge adulte ne se fait qu’au prix d’importants conflits internes qui mettent les jeunes en situation de grande vulnérabilité. Les mises en danger et les conduites à risque apparaissent alors comme une tentative de résolution de ces conflits.

Les adolescentes, auxquelles nous sommes confrontés, parce qu’elles présentent un déficit de l’estime d’elles même, ont une représentation de leurs corps, du genre et de la sexualité plus radicale. Les rapports sexuels n’ont plus nécessairement à voir avec une relation ou des sentiments mais peuvent être envisagés comme un rite initiatique qui permet de s’affranchir du carcan de l’enfance et d’accéder à l’autonomie. Ce mécanisme d’émancipation peut alors, au gré des mauvaises rencontres, devenir une possible « monnaie d’échange ».

Parce ce qu’elles s’inscrivent dans l’errance, se mettant hors d’atteinte de toute protection et convoquant le danger, les « fugueuses chroniques » sont une proie facile et idéale pour les nouveaux réseaux de prostitution. Très urbanisés et fondés sur un consumérisme dont l’immédiateté fait écho à l’urgence dans laquelle vivent les ados 2.0





De nouveaux outils pour un dispositif rénové :



Une équipe pluridisciplinaire construite autour de pôles :

·      Une chef de service, un coordinateur et une secrétaire de service

·      Un pôle éducatif de 9 éducateurs travaillant possiblement en binôme (un dixième poste reste à pourvoir.

·      Un pôle médico-psychologique comprenant un psychiatre vacataire, une psychologue clinicienne et une thérapeute familiale systémique

·      Un pôle socio-culturel : une conseillère en économie sociale et familiale, une technicienne en intervention sociale et familiale et un animateur socioculturel.

·      Un poste d’assistant(e) de service social reste à pourvoir.




Des familles relais pour des hébergements exceptionnels modulables :



Le cadre légal des missions éducatives du dispositif Adophe prévoit dans le cadre du placement à domicile la possibilité, en cas de situation exceptionnelle, que soit mis en œuvre un hébergement

exceptionnel. Ces situations d’urgence faisaient jusqu’alors l’objet d’une mise à l’abri via les « lits de repli/répit » existants au sein du foyer Pasteur de l’AEF. Les prises en charge collectives trouvent leurs limites lorsqu’il s’agit de jeunes inscrits dans des parcours d’errance ou d’enfants ayant déjà fait l’objet de placements et « déplacements » institutionnels Le travail de restauration de la parentalité a à voir avec les diverses représentations qu’ont ces enfants et ces jeunes, de ce qui fait famille mais également avec leurs propres parcours familiaux souvent douloureux. L’accueil en famille relais permet, à la fois de leur proposer une alternative en matière de modèle familial et un accueil individualisé « sur mesure ». C’est pourquoi, le dispositif Adophe a passé, dans le courant du dernier trimestre 2018, une convention de partenariat avec une famille relais située en Seine-Saint-Denis.



La formation comme ressource éducative :



La commande du département, faite aux opérateurs Adophé du secteur habilité, de prendre en charge des enfants de 0 à 18 ans et non plus des adolescents pose la question des compétences éducatives requises, notamment en ce qui concerne le repérage des dangers et des risques encourus.

Comment doit-on évaluer une situation de possible danger chez un enfant qui ne peut pas encore parler, quels sont alors les indicateurs non verbaux ? Ces questions fondamentales nous ont conduits à proposer une formation « sur mesure », animée par une pédiatre et une psychologue, à l’ensemble des professionnels intervenant sur le dispositif. Cette intervention s’est déroulée sur deux jours. La première journée était consacrée au développement normal du bébé et de l’enfant jusqu’à sa sixième année, la seconde aux indicateurs de souffrance chez le bébé et le jeune enfant. L’ensemble de ces questions ont été abordées tant sur le champ médical que sur le champ psychologique.



La formation des professionnels est un outil fondamental qui garantit la qualité des missions exercées par le dispositif Adophé. A ce titre l’ensemble des salariés ont bénéficié des journées de formation suivantes :

-          « Abord systémique individuel : une prise en charge actuelle » colloque organisé par l’Institut Français d’Etudes Systémiques.

-          « Jeunes et radicalités » colloque organisé par la PJJ de Seine Saint Denis.

-          « Jeunes et addictions : de la rupture du lien à sa restauration » journées de formation organisées conjointement par l’ENM et l’ENPJJ.

Enfin, afin d’éclaircir le cadre juridique des mesures de placement à domicile et la manière dont elles impactent l’exercice de l’autorité parentale, nous avons reçu, sur deux journées de formation, deux magistrates honoraires, respectivement anciennes Juges des Enfants au TPE de Paris et de Créteil. La première journée a également permis de revenir sur la construction historique du dispositif judiciaire de protection de l’enfance.



Perspectives 2019 :



·         Revisiter le projet de service et le référentiel des pratiques éducatives.

·         Développer les partenariats, notamment avec le Centre Georges Devereux avec lequel nous collaborons d’ores et déjà pour la mise en œuvre des mesures de consultation ethno psychiatriques.

·         Diversifier les familles relais hors département pour proposer des séjours de rupture.