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Le rapport d’activité 2018: AEMO

Changement dans les missions, changement d’équipe



Entre le début de l’année 2018 et sa fin, le service d’AEMO de l’AEF a vu le cadre administratif de ses missions modifié de manière importante par plusieurs décisions du département qui s’inscrivent dans un projet global de réorganisation de l’AEMO sur le Val-de-Marne :



1.    Une augmentation du nombre de mesures prévues pour le service qui passe de 160 à 195 avec un arrêt progressif de l’AEMO «renforcée» et le passage à un public de mineurs âgés de 0 à 17 ans.

2.    Une sectorisation des mesures confiées à l’AEF sur l’ouest du Val-de-Marne et plus précisément sur les communes suivantes : Arcueil, Gentilly, Cachan, Le Kremlin-Bicêtre, Villejuif, L’Haÿ-les-Roses, Chevilly-Larue, Fresnes, Rungis, Orly, Thiais, Villeneuve-le-Roi, Ablon, Vitry et Ivry.

3.    Enfin, une nouvelle convention entre l’AEF et la DPEJ était en préparation avec comme exigences principales une prise en charge sans délai des mesures en attente, l’introduction dans la conduite des mesures d’un document préparatoire au PPE (Projet pour l’Enfant), celui-ci conditionnant la facturation de la mesure au département ainsi que l’intégration dans l’évaluation des situations d’un référentiel commun à l’ensemble des services de protection de l’enfance du département.



Nous rappelons que le service d’AEMO avait été créé en 2003 avec une double spécificité : l’AEMO «renforcée» auprès d’un public «adolescent». Dans un contexte de relative stabilité de l’environnement institutionnel qui avait permis à «tout le monde de connaître tout le monde», l’AEF avait acquis une réputation solide auprès des juges et du département. Cette stabilité était cependant parvenue à un terme et avec elle, pendant un temps, une partie de la confiance des partenaires institutionnels s’était effritée. Un renouvellement important de l’équipe a par ailleurs eu lieu en 2018 avec 5 arrivées parmi les éducateurs-trices, une nouvelle psychologue et enfin un changement de secrétaire et de chef de service (soit 9 des 13 professionnels permanents de l’équipe).

Bien que l’objectif à long terme du département soit une stabilisation autour de 195 du nombre de mesures exercées par l’AEF, l’impact immédiat de sa demande de prise en charge de toutes les mesures en attente dans un délai de deux à trois mois a été l’augmentation significative du nombre de mesures exercées qui est passé de 165 au 31/12/2017 à environ 195 fin 2018. Ce nombre a continué d’augmenter régulièrement (215 mesures exercées en mars 2019). Cela a conduit à confier à chaque éducateur la conduite de 2325 mesures (chiffre actuel) au lieu de 19 précédemment. Cette montée en charge s’est faite progressivement entre septembre 2018 et le début de l’année 2019 et a été soutenue par un dispositif « relais » sur lequel nous reviendrons plus loin.

Dans ce contexte relativement tendu, l’objectif a été de remobiliser le service autour de valeurs communes et de pratiques professionnelles de qualité, basées sur notre expérience, enrichies par les exigences résultant de l’élargissement de nos interventions auprès de jeunes enfants ainsi que
par les modifications apportées par la loi sur la protection de l’enfant, enrichies aussi par une collaboration renforcée avec les autres services d’AEMO du Val De Marne et enfin établies en concertation avec le département.




Nos acquis, les risques et les opportunités du contexte :



L’arrêt de l’AEMO renforcée a été, au-delà de la fin de la possibilité du recours à l’hébergement exceptionnel, le signal qu’il était nécessaire de repenser nos modes d’interventions et nos pratiques.

Une parenthèse concernant l’hébergement exceptionnel qui a encore concerné en 2018 trois mineurs, tous âgés de 17 ans. Dans deux cas, cet accompagnement spécifique a conduit à la mise en place de contrats jeunes majeurs en concertation étroite avec la DPEJ. Dans le troisième cas, l’hébergement de deux semaines a été suivi d’un retour du jeune dans sa famille.

Quinze années d’intervention auprès d’adolescents et d’appui sur des dispositifs alors novateurs ont forgé une identité du service qui peut être résumée en 2 mots : créativité et hospitalité. Cette identité s’est avérée assez solide pour perdurer et se transmettre aujourd’hui à la nouvelle équipe. Cette expérience a aussi façonné des pratiques professionnelles qu’on peut résumer ainsi : une grande réactivité, une bienveillance et enfin une stratégie de «réduction des risques» dans l’accompagnement des adolescents.

Or l’augmentation sensible de la charge de travail, non encore compensée par les bénéfices attendus de la sectorisation puisqu’environ 35% des mesures en cours sont encore hors de notre secteur d’intervention, s’est traduit par une diminution de la disponibilité des éducateurs auprès de chaque mineur et famille. Ce changement a été nettement exprimé par l’équipe sans entraîner cependant de démobilisation. L’équipe doit cependant continuer à être encouragée et soutenue car cette charge de travail pourrait encore augmenter.

A l’inverse, l’extension de nos interventions auprès de jeunes enfants apparait comme une opportunité de continuer à développer notre savoir-faire et notre créativité en adaptant nos pratiques aux besoins d’enfants plus jeunes et auprès desquels les stratégies mises en place pour les adolescents ne seront plus adaptées.

Enfin, l’introduction par le département du document préparatoire au PPE dans la conduite des mesures a été comprise comme le besoin désormais de mieux «formuler» à l’intention des prescripteurs mais aussi des familles et des enfants des compétences qui pouvaient jusque-là rester relativement «informelles» ou «informulées».

Dans ce contexte, développer nos pratiques en lien avec les familles et les enfants, soutenir, protéger et former chaque professionnel en fonction de ses besoins, renforcer nos liens avec les partenaires institutionnels et opérationnels ont été nos priorités.


Développer de nouvelles actions vers les adolescents :

Pour améliorer notre capacité à proposer à des jeunes des actions concrètes pour soit les mobiliser, soit valoriser leur engagement citoyen, nous avons initié un partenariat avec une association solidaire située à Cachan : «La Pièce Solidaire». Plusieurs jeunes sont ainsi allés au local de l’association pour aider dans le tri de vêtements et l’accueil des personnes. Une journée de vente de vêtements récupérés est en cours de préparation, a priori en lien avec des structures plus importantes comme Emmaüs pour organiser des maraudes et aller à la rencontre du public intéressé.

Par ailleurs, pour aider des adolescents à améliorer leur confiance en eux-mêmes, nous avons fait appel à un intervenant extérieur, Stéphane MITRAIL, qui a apporté son savoir-faire dans l’animation d’ateliers de développement de « l’estime de soi». M. MITRAIL avait auparavant animé des ateliers similaires en partenariat avec Pôle Emploi ou des Missions Locales. Il s’agissait ici d’une première expérience dans un service d’AEMO et nous considérons que l’expérience a été très encourageante. Deux ateliers ont été organisés entre novembre 2018 et janvier 2019, à raison de 5 séances hebdomadaires chacun, auprès d’adolescents de 1517 ans et d’enfants plus jeunes de 13 à 15 ans. La participation a été satisfaisante avec un noyau de 3 et de 4 mineurs qui ont participé à l’ensemble des séances. Savoir repérer ses forces, ses faiblesses, savoir se fixer des objectifs atteignables et dépasser les baisses de motivation, partager des expériences et des points de vue avec d’autres jeunes, ont été parmi les temps forts de ces ateliers. L’expérience sera reconduite une nouvelle fois en juin 2019 et il est possible que nous l’intégrions à terme dans notre projet de service.

Nous continuons par ailleurs à organiser régulièrement des sorties avec des groupes d’enfants, surtout en période de vacances scolaires, pour apporter une ouverture sur l’extérieur, des temps d’échange, de détente et de plaisir.

Enfin, devant les besoins repérés par les éducateurs d’un partage entre les usagers de leurs propres expériences, nous envisageons la création de groupes de paroles thématiques.



Développer le recours aux dispositifs du département :



Les actions décrites ci-dessus se retrouvent à plus grande échelle dans le dispositif REAJI (Réseau pour Accompagner des Jeunes vers l’Insertion). Nous avons donc sollicité le département pour recevoir une information complète sur cette plateforme. Une demi-journée d’information a été consacrée à cela et le service a désormais une référente REAJI en la personne de Mme Ophélie MARIETTE. Nous commençons à orienter des jeunes vers les dispositifs d’insertion ou de de REAJI Pro ou des enfants vers des parrainages proposés par REAJI Insertion. Cette plateforme n’est pas seulement une ressource supplémentaire dans nos interventions auprès des familles et de leurs enfants, nous espérons qu’elle sera aussi à terme un moyen de participer à une mutualisation des expériences des différents intervenants dans la protection de l’enfant et l’insertion des adolescents et jeunes majeurs.

Développer notre réseau de professionnels du soin


Nous avons dû parfois pallier des difficultés de familles dans l’accès à des soins, en particulier en pédopsychiatrie. Le Dr PAQUIER intervenait auparavant avec une mission centrée sur l’expertise et le conseil en direction des professionnels et sans possibilité d’administrer des soins.

Son intervention auprès des familles était par ailleurs limitée par un planning limité à une journée par mois ce qui compliquait la planification de ses interventions auprès de jeunes dont la situation était souvent assez volatile. Nous avons par conséquent fait le choix, à partir de septembre 2018, d’offrir au Dr PAQUIER la possibilité d’intervenir sur le service ADOPHE de l’AEF et, pour ce qui concerne l’AEMO, de diversifier nos recours vers des professionnels en libéral pour pouvoir apporter à des familles des solutions de soins temporaires dans des situations spécifiques.


Nous poursuivons aussi notre partenariat avec le centre Georges Devereux vers lequel nous avons orienté plusieurs familles pour des consultations ethno psychiatriques mises en place par ordonnances judiciaires.

Renforcer notre coopération avec les autres services d’AEMO et avec les services de MJIE

grâce à la volonté de chacun, les quatre opérateurs en AEMO sur le département, Olga Spitzer, OSE, CITHEA et l’AEF, se rencontrent désormais régulièrement. Un groupe de travail associant des professionnels des quatre services est prévu. Les objectifs sont de partager nos expériences, nos points de vue, de mutualiser certaines actions et d’être une force de proposition auprès du département. Nous comptons nous appuyer sur ce partage d’expériences et de compétences dans nos prises en charge des très jeunes enfants.

Une convention a par ailleurs été signée avec le service de MJIE du SSE qui nous permet désormais de bénéficier des rapports d’investigation dès la réception d’ordonnances en AEMO.



Agir en concertation avec le département :



Là aussi, la collaboration entre le service et le département a apporté des améliorations avec la transmission dématérialisée au service des rapports d’évaluation à la réception des ordonnances, transmission non encore automatique mais grandement facilitée.

La mise en place de la nouvelle convention a par ailleurs conduit à des échanges réguliers, en particulier autour de la mise en œuvre du document préparatoire au Projet pour l’Enfant. Notre souci a été d’intégrer au mieux ce document obligatoire, et désormais lié à la facturation de nos interventions, à la conduite des mesures. Pour cela, il est devenu un outil dans la concertation du service avec les familles autour des projets pour chacun de leurs enfants. Cette concertation est désormais formalisée par un temps de travail service-famille que nous appelons « concertation PPE » et auquel peuvent être conviés, à l’initiative du référent ou de la famille, des membres de la famille élargie ou des partenaires extérieurs.




Former l’équipe :



L’effort principal de formation a porté et continuera de porter dans les prochains mois sur le développement de l’enfant, sur l’évaluation de ce développement et sur l’impact sur celui-ci des conflits ou des violences conjugales.

Pour cela nous avons partagé avec nos collègues du service ADOPHE de l’AEF (93) une journée sur le développement de l’enfant avec une conférence de deux médecins de La Maison de Solenn.

Une journée de formation sur les violences conjugales a également été donnée par Mme Ernestine RONAI, en collaboration avec le département du 93. Cette journée, qui a été particulièrement appréciée et a permis de disposer de savoirs concrets et d’outils directement

opérationnels, a été ouverte à l’ensemble des services de l’AEF mais aussi aux autres opérateurs AEMO du département du Val-de-Marne.

Une conférence sur l’abord systémique « individuel » a été aussi mise en place auprès des équipes des services d’AEMO et ADOPHE de l’AEF.

Un accompagnement plus spécifique à destination des nouveaux salariés a été mis en place avec une formation de trois journées dispensée par l’Ecole de la Protection de l’Enfance et intitulée « le travail avec les familles et les enfants : enjeux et méthodes ». Un effort spécifique de formation sur les écrits est également prévu à l’intention de certains salariés.



Enfin, l’ensemble du service a été concerné par une formation dispensée par le département sur le référentiel d’évaluation en protection de l’enfance (référentiel conçu par le CREAI Rhône-Alpes).

Parmi les formations individuelles en cours, citons la poursuite de la formation de médiatrice familiale par Mme Anne-Céline CHAUCHARD auprès de l’IDES, compétence qui sera ensuite mutualisée et intégrée dans le fonctionnement du service.




Soutenir l’équipe :



La prise en charge rapide d’un grand nombre de nouvelles mesures s’est traduite par une difficulté accrue dans l’organisation du travail de l’équipe en raison d’un nombre important de rendez-vous supplémentaires, d’écrits, etc. Pour cela, un dispositif de « relais » a été expérimenté sur une petite échelle à partir d’octobre 2018. Un professionnel a été ajouté à l’équipe en place pour prendre en charge des mesures en attente et les exercer jusqu’à leur passation à un membre de l’équipe régulière. Ce professionnel a ainsi assuré une prise en charge temporaire de 13 mesures avec une mission plus axée sur l’évaluation du danger en cours sur des mesures qui avaient pâti d’un très long délai d’attente que sur l’action éducative à proprement parler, celle-ci étant néanmoins présente mais de manière plus réduite.

Ce dispositif a permis d’augmenter pendant 3 mois notre capacité de prise en charge de nouvelles mesures, de lisser l’augmentation de l’activité de chaque éducateur et aussi de prendre en charge en urgence environ 5 mesures, celles-ci étant prises en charge par l’équipe régulière. Ceci, ajouté à un redéploiement par le département, et en accord avec les juges des enfants, des mesures en attente entre les différents opérateurs AEMO a permis de diminuer le nombre de mesures en attente qui est passé de 70 en juillet 2018 à moins de 20 en décembre 2018. Le délai d’attente avait été à ce moment ramené à environ trois mois.

D’une manière plus générale, l’organisation du travail d’évaluation des situations et de formalisation de nos interventions (rédaction des rapports, rédaction des documents préparatoires au PPE) a été pensée dans le souci de minimiser les temps de réunion et de libérer l’énergie de l’équipe pour le travail auprès de familles et des enfants. Il n’y a à ce jour que deux demi-journées par semaines occupées par les temps institutionnels essentiels que sont la réunion d’équipe (mardi matin) et l’évaluation des situations (jeudi matin). Cette organisation est rendue possible grâce à la très bonne communication qui règne au sein de l’équipe et à l’apport très apprécié de Mme Jenny BACRY, psychologue clinicienne du service.




Conclusion :



Dans un contexte tendu mais motivant de changement de pratiques et d’augmentation de la charge de travail, les efforts de chacun ont permis de stabiliser l’équipe, de réduire le nombre de mesures en attente et le délai d’attente et de renforcer la confiance avec nos partenaires institutionnels. Cela nous permet de maintenir intacte la mobilisation du service et de poursuivre le mouvement d’amélioration continue de l’exercice de nos missions auprès des familles et des mineurs du département.

Un travail reste à mener pour permettre à chaque professionnel d’intégrer de manière autonome le PPE et le référentiel d’évaluation à leurs pratiques. L’effort de soutien de la part de l’encadrement

sera maintenu autant que nécessaire, d’autant que nous continuerons à exercer plus de mesures dans les mois à venir.

Pour éviter une augmentation incontrôlée de l’activité du service, nous porterons auprès du département notre souhait de participer à une régulation régulière des AEMO avec le département, les juges et les autres opérateurs.



Statistiques 2018 :



-        Total des mesures suivies en 2018 : 344 (305 fin 2017), dont 187 garçons et 157 filles. La moyenne d’âge des jeunes en début de mesure passe de 15 ans à 14,4 ans.

-        Nouvelles mesures en 2018 : 202 (130 en 2017)

-        Arrêts de mesures en 2018 : 94 (140 en 2017)

-        Renouvellements de mesures en 2018 : 131 (168 en 2017)

-        Durée moyenne des mesures terminées en 2018 : 9,63 mois (19 mois en 2017)


Répartition des mesures exercées en 2018 par territoire :

Territoire

2018

2017

13

35

36

2

45

48

4

77

65

5

41

33

6

91 (dont 69 sur secteur AEF)

69

7

55

54





Quelques constats :



-        Sur les territoires hors de notre secteur actuel, le nombre de mesures en 2018 est en stagnation. Seuls les territoires inclus sur notre secteur (4, 5 et 6 partiellement) voient l’activité augmenter. Globalement notre activité sur l’année a augmenté de 12,7% sur l’ensemble des mesures (classiques et renforcées restantes).

-        Il n’y a eu aucune nouvelle mesure renforcée depuis septembre 2018 et ce changement est donc intégré dans les décisions des juges.

-        Notre positionnement géographique sur Arcueil correspond aux besoins du public avec 118 mesures sur les communes « Nord-Ouest » et 69 sur les communes « Sud-Ouest ».

-        L’abaissement de la moyenne d’âge de 15 à 14,4 semble traduire les premiers effets du passage d’un public 1117 à 017.

-        Concernant l’abaissement de 10 mois de la durée moyenne des mesures terminées dans l’année, il est probablement non significatif.